Chapitre 16


Hooper avait fait le déplacement au centre de l’INFN, il voulait voir par lui-même le spectre gamma avec ce beau petit pic à 662 keV, caractéristique du césium-137, le principal résidu de fission nucléaire qu’on pouvait retrouver dans le sol dix ou vingt ans après la fuite radioactive d’une centrale ou une explosion nucléaire atmosphérique.
Cristina et Hooper étaient penchés sur l’écran. Cristina montrait les spectres gamma qu’elle venait d’analyser.
— C’est clair et net, sur les échantillons qui ont été en contact avec l’intrus, la brique de plomb et la porte de secours, ainsi que sur l’arme du crime, on voit le pic à 662 keV, et sur les autres échantillons témoins, il n’y est pas… Pour moi c’est évident, c’est la même personne qui a tué Matthew et qui est venue au Centre rôder autour du bureau de Pascali. Il doit s’agir de quelqu’un venant de l’Est : Ukraine, Biélorussie ou Russie… Il n’y a que des gens de ces coins-là qui peuvent avoir des niveaux de contamination en césium-137 visibles comme ça, non ?…
— Hmm…
Hooper regardait attentivement l’écran. Cristina montrait du doigt le pic de quelques dizaines de coups qui se trouvait à 662 keV.
— Y’a pas que du Cs-137… C’est quoi, ça ? Regarde, juste à côté du pic à 609 keV du bismuth-214, là, à 605 keV ? Et là, à 796 keV ?
Hooper montrait avec son stylo deux petits pics presque imperceptibles.
— Ce n’est pas du bruit, dit Hooper.
— Je ne connais pas toutes les raies gamma de tous les isotopes, reprit Cristina, mais on peut regarder dans les bases de données…
— Inutile. C’est du Césium-134 ! Et tu sais ce que cela signifie ? C’est extrêmement intéressant, ça…
Cristina écoutait l’agent du FBI, sans doute le seul policier au monde qui savait analyser un spectre gamma en un seul coup d’œil.
— C’est une contamination récente ! En gros, le seul endroit où ce type a pu se contaminer c’est près de Fukushima ! La demi-vie du césium-134 n’est que de deux ans et quelques, tu sais. Du coup on ne le voit plus en Russie ou en Ukraine, par contre il apparaît encore au Japon aux alentours de la centrale de Daiichi à Fukushima… C’était il y a quatre ans seulement…
C’était vraiment une superbe idée d’avoir pensé à ce test. Merci Cristina, on avance à grands pas... Notre suspect aurait donc séjourné près de la zone interdite de Fukushima… Ce qui est vraiment intéressant… et même inespéré, je dirais. Vu l’activité radioactive de ces échantillons, qui est tout de même infime, on n’aurait jamais pu le voir avec un spectromètre classique dans un labo au niveau de la mer. C’est seulement votre détecteur germanium dans le labo souterrain qui peut mesurer de tels niveaux extrêmement bas, à l’abri des rayons cosmiques… Je suis bluffé. Merci d’avoir effectué la manip sur ton temps de travail.
— Je n’y suis pas pour grand-chose… répondit Cristina. J’ai juste repensé à ce que tu m’avais raconté l’autre soir, l’enquête que vous aviez menée à Chicago… Mais le type qu’on a aperçu l’autre soir n’avait pas franchement le gabarit d’un yakuza japonais…
— Oui, ce n’est pas faux. Si ce n’est un mafieux japonais, c’est donc un mafieux Ukrainien ! rétorqua Hooper en souriant.
— Ou Belge… reprit la jeune femme en retournant le sourire. Mais qui aurait été envoyé au Japon il y a peu de temps…
— Ce qui est sûr, c’est que beaucoup de gens dans ce pays sont contaminés sans le savoir, même très faiblement… Heureusement pour eux qu’il s’agit dans la plupart des cas de niveaux de doses absolument pas dangereux. Enfin, ça dépend quand même des coins… ajouta Hooper en faisant une moue amusante en se tordant la lèvre inférieure et en soulevant un sourcil.
— En tous cas, ça ne m’a pas pris trop de temps de faire la mesure. Ça m’a rappelé mes jeunes années quand je travaillais pour GERDA. On testait systématiquement tous nos composants dans ce détecteur à ultra-bas bruit… Et puis maintenant j’ai un peu le temps… On sait dorénavant pourquoi notre machine ne fonctionne pas et on sait surtout qu’on a passé des jours et des semaines à s’épuiser sur un système qui était défectueux dès le départ, répondit Cristina.
— Je suis désolé de ce qui vous arrive. La question que nous devons nous poser et de savoir si il existe un lien entre ce sabotage, la mort de Matthew Donnelly et le Japon. Il ne faut rien exclure, mais c’est peut-être aussi une pure coïncidence, tu sais…
— Oui, mais comment peut-on faire le lien entre les événements ?
— Le mobile, reprit Hooper, le mobile…
— Justement. J’ai l’impression que dans les deux cas le mobile est le même, non ? rétorqua Cristina. On veut nous empêcher de développer notre expérience.
— Oui, mais dans quel but ? Y-aurait-il un objectif secondaire dans ce mobile ?
— Ce que je sais, continua Cristina, c’est que si nous n’obtenons pas un purificateur isotopique qui permet de purifier le xénon à seulement quelques parties par million de milliards de krypton, notre contrat de fourniture de xénon tombe à l’eau… Giovanna nous a fait part de cette clause récemment.
— Je sais…, elle me l’a dit quand je suis allé la voir à New York, effectivement. Et donc, à qui profite que votre machine soit défectueuse ?
— A ceux qui ont besoin de xénon pur, bien sûr, pour récupérer la production de xénon qu’on n’aurait pas.
— On en revient toujours là… LXZ c’est ça ?…
— Vous auriez d’autres pistes ? demanda Cristina
— Saviez-vous que les industries de fabrication des lampes à halogène et des semi-conducteurs sont des très grosses consommatrices de xénon ultra-pur ?
— Non, je l’ignorais…
— La question qu’il faut maintenant se poser c’est : est-ce qu’il y a quelqu’un au Japon qui aurait intérêt à la disparition de Matthew ? Et est-ce que l’absence de système d’ultra-purification pourrait nuire à quelqu’un d’autre que vous, ou au contraire à qui cela pourrait profiter ? Il faut aussi se demander si l’absence de Matthew nuit à quelqu’un d’autre que vous, indirectement ? asséna Hooper sans attendre de réponse immédiate.
—  La disparition de Matthew nous concerne directement et nous impacte directement, ça c’est sûr… En revanche… Cristina s’interrompit. En revanche, vous oubliez que la clé USB de Matthew a disparu au même moment ! Il ne s’agit pas seulement de la disparition de notre spécialiste, mais aussi du vol, potentiel certes, de son travail, de notre travail... J’ai l’impression que les deux aspects sont liés : on nous empêche d’atteindre notre objectif de performance et donc d’obtenir notre fourniture de xénon et parallèlement, on nous empêche de trouver le problème et de le régler avant la date limite, et on s’accapare notre savoir et notre techno…
— Si vous n’obtenez pas vos cinq tonnes de xénon, ils seront remis sur le marché. Et si j’ai bien compris, à un prix bien plus élevé que celui qui vous était demandé. Et cela intéresse ceux qui en ont besoin, les fabricants de lampes et de semi-conducteurs…
— Ne me dites pas que c’est aussi l’intérêt de Grüber ! Non, leur intérêt à eux, je l’ai compris, c’est d’avoir notre technologie à un prix défiant toute concurrence, justement pour pouvoir écraser leur concurrence par la suite. Ils n’ont absolument pas intérêt à ce que nous n’arrivions pas à notre objectif.
— Peut-être, mais imagine que Grüber reçoive soudainement une énorme commande d’un industriel, beaucoup plus importante que la vôtre, disons quinze tonnes, et qu’ils doivent la fournir très vite. N’auraient-ils pas un intérêt d’annuler vos cinq tonnes pour les refourguer cinq fois plus cher à cet autre client ?
— En sabotant notre machine et en tuant Matthew ? Non, quand même…
— Alors peut-être leurs concurrents ?
— Mais ils ne savaient pas….
— En es-tu sûre ? la coupa Hooper.
 Cristina hésita une demi-seconde à parler de ce qu’elle avait vu dans les emails de Matthew. Les russes connaissaient en fait un certain nombre de détails du purificateur et savaient très probablement que Grüber&Thorp récupérerait la technologie et aussi que le prix obtenu par Giovanna et Matthew était encore plus bas que ce qu’ils avaient proposé.
— On n’est jamais sûr de rien.., répondit Cristina.
— Et que viendraient faire des russes ou des saoudiens là-dedans ? demanda Hooper.
Hooper cherchait à pousser Cristina dans ses retranchements pour stimuler sa créativité.
— Zeldov ? pensa-t-elle.
— Je ne sais pas, dit rapidement la jeune chercheuse. Puis elle se reprit :
— Ce qui est sûr, c’est que Matthew avait contacté les trois principaux fournisseurs de xénon…
— Très juste. Pourrait-il y avoir un lien, d’après toi ?
Cristina commençait à se demander si Hooper savait qu’elle était en possession du contenu des archives de Matthew et que lui aussi en connaissait le contenu.
— OK… attends. Si le fournisseur russe, qui s’appelle Gazkron Fluids, savait qu’on était en train de développer un superpurificateur pour son concurrent direct et qu’il venait de rater une superbe occasion de faire la même affaire, il pourrait être tenté de faire tout capoter…
— Exact… Mais de là à tuer Donnelly, c’est un peu extrême, non ? Ils auraient pu se contenter de pirater les fichiers de conception. Pourquoi vous empêcher en plus d’avoir votre xénon et tuer Matthew ?
— Oui, mais ce n’est pas le xénon le point important ici… Si notre purificateur ne marche pas à la fin de l’année, G&T n’en veut pas. C’est tout le contrat qui tombe à l’eau y compris la cession de la machine et le brevet qui va avec. Donc si les russes avaient piraté notre technologie, non seulement ils auraient la technologie mais leur concurrent G&T ne l’auraient pas, et ce serait le plus important pour eux, enfin j’imagine…
— Réflexion intéressante, continua Tom Hooper, vos collègues allemands vous ont-ils précisé de quand date la cyberattaque dont ils ont été victimes ?
— C’est leur sous-traitant qui a été attaqué, une petite entreprise locale, qui n’était que très mal protégée… D’après Jürgen, ça a eu lieu au début du mois de juillet 2014, juste avant le commencement de la fabrication des composants. Le purificateur nous a été livré complet en novembre dernier. La société en question, Teilmann GmbH s’en est rendu compte par pur hasard la semaine dernière seulement. Ils auraient pu passer complètement à côté…

L’agent du FBI fermait les yeux, les mains jointes sous son menton. Il laissa s’écouler quelques secondes de silence.

— J’ai rencontré Bob Fincher, le leader de LXZ, la semaine dernière, lança Hooper. Il semblait vraiment affecté par la disparition de Matthew Donnelly, qu’il connaissait un peu. J’avoue que j’ai eu une impression étrange en l’écoutant. On aurait dit qu’il connaissait certains détails sur votre situation avec le purificateur, ce qui me semble plutôt bizarre, vous me confirmez ?
— Euh, oui…, c’est impossible que Fincher sache ce qui se passe ici et les problèmes que nous avons ! Ce n’est pas le genre de choses que nous communiquons à l’extérieur de la collaboration, d’ailleurs Giovanna nous l’a encore rappelé récemment.
— J’avais vu Giovanna Marsi juste avant de voir Fincher et je savais que la fourniture de xénon était conditionnée à la performance du purificateur…Or, en parlant avec lui, entre les lignes, on comprenait qu’il pensait pouvoir récupérer de grosses quantités de gaz si votre situation n’évoluait pas d’ici à la fin de l’année. Et j’avais vu le directeur commercial de Grüber&Thorp à Genève peu de temps avant, qui m’a certifié que LXZ ne pouvait avoir aucune information au sujet du contrat vous liant à eux. Plutôt bizarre…
Cristina resta sans rien dire, pensive. La réflexion que Hooper l’avait forcé à tenir la poursuivait. Elle ne croyait plus vraiment à une implication des américains malgré les doutes que venait encore de signifier Hooper. Elle se disait qu’il fallait peut-être creuser la piste russe, la piste Gazkron Fluids, plutôt que la piste LXZ. Mais quel rapport avec le Japon ?

***

Cristina n’avait pas l’habitude de faire des recherches bibliographiques sur des marchés, des sociétés, et autres éléments économiques et financiers. Elle se plongea dans le monde tentaculaire de Gazkron et ses filiales, et avant tout Gazkron Fluids qui était un fleuron du géant gazier, embauchant plusieurs milliers de personnes sur tous les continents.
La liquéfaction de l’air n’était qu’une partie de leur activité industrielle. La société remontait aux temps de l’Union soviétique et de l’époque de l’industrie lourde. Elle était alors une entreprise d’état. La production de xénon avait débuté dès la fin des années 1950 quasi exclusivement pour la sidérurgie qui en avait besoin de grandes quantités pour traiter les métaux contre la corrosion.
C’est à l’époque de la grande libéralisation qui vit naître le géant pétrogazier Gazkron que la Société des Gaz Liquides fut rebaptisée et rattachée au holding. Elle appartenait à un sous-oligarque du nom de Alexei Govarski, toujours à la tête de Gazkron Fluids depuis 1993.
GF était subdivisée en business units correspondant à différentes grandes régions du monde : Europe, Asie-Pacifique, Afrique, et Amériques. Chaque business unit agissait avec une certaine autonomie, comme une sous-filiale. La section Europe produisait toutes sortes de gaz liquéfiés, bien au-delà de ce que l’on trouve à l’état naturel dans l’atmosphère, et était étrangement la seule à proposer du xénon. Cela signifiait qu’un client américain désirant acheter du xénon devait s’adresser à GF America qui devait s’adresser à son tour à l’entité GF Europe.
Cristina cherchait à mieux comprendre quels étaient les différents acteurs du marché du xénon : qui étaient les gros clients, passés, présents et futurs ayant besoin de xénon de classe IV ou s’en approchant. Cristina s’aperçut vite que ce que lui avait dit Hooper était non seulement vrai mais encore bien en dessous de la réalité. De très nombreuses activités industrielles avaient besoin d’un xénon très pur, notamment exempt de krypton.
Le directeur de GF Europe était un homme d’une cinquantaine d’années, d’après la photo qu’on pouvait voir sur le site officiel, il s’appelait Jonas Jubkov. Il occupait cette fonction depuis trois ans après avoir passé près de dix ans au sein d’un grand groupe industriel de l’agroalimentaire. Cristina admirait le fait de pouvoir passer comme ça du jour au lendemain du chocolat au xénon.
Une fois le nom du grand patron trouvé, elle fit une recherche dans les archives de Matthew pour voir si jamais il sortait. En vain. Même avec seulement les initiales, son nom n’apparaissait pas dans les milliers de fichiers et emails de Matthew. Elle adopta systématiquement la même démarche pour tenter de faire des liens entre Gazkron Fluids et Matthew, autres que les échanges qu’il avait eu avec cet Igor Zeldov, dont elle finit également par trouver la photo. Zeldov était particulièrement laid et inspirait un sentiment de crainte. Il avait un visage fermé, des yeux tout petits et on pouvait distinguer une sorte de cicatrice à la base de son cou, qui sortait de son col. Sans la cravate, on aurait eu du mal à imaginer que cet homme était le directeur commercial d’une société comme Gazkron Fluids Europe.
Cristina s’intéressa à lui. Elle commença une recherche à partir des maigres informations qu’elle avait sur lui. Il y avait beaucoup d’Igor Zeldov en Russie. Mais un seul qui avait ce visage particulier. Et fort heureusement la plupart des réseaux sociaux, qu’ils soient des sites de retrouvailles d’anciens étudiants ou bien des pages Facebook ou autres arboraient souvent des photos, soit dans leur profil soit dans des selfies de plus ou moins bon goût. Cela permettait d’éliminer les mauvais Igor Zeldov.
Puis elle trouva un site russe de mise en relations professionnelles, le nom et la photo correspondaient à ceux du site de Gazkron.

***

Cristina ne pouvait pas garder ce secret de la clé de Matthew très longtemps. Elle avait envie de donner à Tom tout le contenu qu’elle avait trouvé sur le laptop de Peter. Mais avant ça, il fallait qu’elle sache pourquoi Peter avait ça sur son portable.
Au lieu de lui dire ouvertement qu’elle avait vu par hasard sur son portable le dossier compressé, Cristina préféra sonder son jeune collègue d’une manière plus subtile, en profitant du fait que la clé de Matthew avait disparu avec tout leur travail dessus. Elle se rendit un soir dans l’appartement qu’ils occupaient lui et John. John était rentré à Chicago pour un moment. Après avoir discuté de choses diverses, Cristina évoqua le sujet du travail et en arriva doucement à son objet.
— La disparition de la clé de Mat m’ennuie beaucoup. Je crois savoir qu’il y mettait tout, et donc certainement tous les plans de la machine, ce qui veut dire que si la clé est tombée dans les mains de concurrents de G&T par exemple, et que G&T l’apprend, même si on arrive à faire fonctionner le purif dans ses conditions nominales, ils pourraient peut-être dénoncer le contrat et nous couper notre fourniture de xénon, tu vois…
— Je sais… et c’est vrai qu’il devait y avoir tous les plans, même toutes les idées de Mat, antérieures à ses développements qui l’ont mené à ses dernières innovations.
— Tu avais déjà eu l’occasion de voir ce qu’il stockait sur sa clé, toi ?
— Oui, il y a longtemps… répondit Peter.
— Tu avais vu des détails ?
— Non, pas vraiment…
— Si seulement on en avait une copie quelque part !.. lança Cristina.
— … Ouais, ça nous arrangerait… bafouilla Peter.
Cristina s’arrêta un instant, essayant de conserver un ton normal malgré sa grande stupéfaction devant ce qui ressemblait à un mensonge.
— Est-ce que tu crois que Mat aurait pu utiliser un des ordis d’ici pour transférer le contenu de sa clé sur une clé plus grosse comme il faisait tous les deux ans ?
— Je vois à quoi tu penses, t’es géniale Cris ! C’est tout à fait possible qu’il ait fait ça sur une de nos machines et peut-être qu’il n’aurait pas effacé le dossier une fois copié…
— Tu sais ce qu’on va faire ? On va chercher sur tous les ordis qu’on utilise ici au labo, y’en a combien ? En comptant nos propres portables, ça doit faire pas plus de cinq ou six… On fait ça demain matin, ça te va ?
— Oui, OK… Pas de problème !
A peine la porte refermée, Peter alluma son portable, enfila le câble de son disque dur externe, puis y copia le dossier nommé work avant de le supprimer définitivement de son laptop.

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