Cristina ne savait pas ce qu'elle pourrait lui dire pour le convaincre de la laisser participer à l'enquête. Elle voulait participer activement aux investigations, de n'importe quelle manière, elle voulait se rendre utile et pas seulement en répondant à des simples questions sur Matthew et sur la manip. Sans doute pour atténuer cet affreux sentiment de culpabilité qui la taraudait jour et nuit. Le rendez-vous était fixé à 14h. Il fallait qu'elle se montre sous son meilleur jour face à l'agent du FBI, qu'elle soit la plus collaborative possible pour qu'il ait confiance en elle. C'était facile à dire, mais autre chose à faire, surtout dans l'enceinte d'un commissariat de police gris et triste.
Elle
entra en montant l'escalier qui trônait au milieu du trottoir. C'était la
première fois qu'elle pénétrait dans ce bâtiment un peu sordide. Une sorte de
guichet se trouvait sur la gauche, avec une femme en uniforme assise derrière
le comptoir en faux bois, l'air plongée sur ce qu'il y avait sur son écran,
peut-être un jeu sans intérêt. Une odeur étrange se dégageait tout autour,
mélange de tabac froid et de nourriture, c'était presque agréable pour
l'ancienne fumeuse qu'était Cristina.
—
Bonjour, j'ai rendez-vous avec l'agent Tom Hooper à 14h, lança Cristina sans
attendre que la policière ne lève les yeux vers elle.
— Tom
Hooper ? Il n'y a pas de Tom Hooper ici, rétorqua la brigadière avec des yeux
qui exprimaient bien son étonnement. Vous avez rendez-vous avec un inspecteur ?
C'est pour une audition ?
— Oui, je
dois voir… J’ai rendez-vous avec... un policier américain, au sujet du meurtre
d'un chercheur américain...
— Aah !
Oui... L'agent du FBI ! Oui... se réveilla soudain la policière en écarquillant
les yeux et en arborant soudain un large sourire. Oui, bien sûr... le bel agent
du FBI... fit-elle en esquissant une sorte de clin d'œil incongru.
— J'ai
rendez-vous à 14h, je suis Cristina Voldoni, v-o-l-d-o-n-i, précisa Cristina,
qui voulait en finir le plus vite possible avec ce planton.
— Bien,
très bien mademoiselle, veuillez signer sur cette feuille, en bas, ici... Elle
lui tendit un formulaire qui avait dû être photocopié des milliers de fois.
Vous devez monter au premier étage, vous irez dans le bureau de l'inspecteur
Castelli, les noms sont écrits sur les portes, vous ne pouvez pas vous
tromper...
—
Merci... conclut brièvement Cristina avant de se retourner rapidement vers
l'escalier situé dans le prolongement de l'entrée du commissariat.
Avant
d'arriver sur le palier, en montant chaque marche lentement, elle se répétait
les arguments qu'elle avait élaborés dans la nuit.
Elle
frappa à la porte et n'attendit que quelques secondes pour entendre la voix
éraillée de l'inspecteur Castelli lui permettant d'entrer. Hooper était assis
nonchalamment avec une fesse sur le bureau de Castelli, qui lui, était assis
sur son fauteuil des années 1980. Ça sentait à nouveau le tabac froid et la
nourriture, ce mélange étrange.
— Je vous
en prie, asseyez-vous... commença l'inspecteur en désignant une chaise déjà
visuellement inconfortable.
— Merci
d'avoir répondu à notre invitation. Nous comprenons ce que vous avez enduré ces
derniers jours. Notre but est de mettre l'auteur de ce crime sous les verrous,
et pour cela nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir, croyez-le bien. Nous
vous avons demandé de venir pour écouter votre témoignage qui peut s'avérer
déterminant pour la suite de l'enquête. Comme nous vous l'avons expliqué
l'autre soir au laboratoire quand nous sommes venus voir le lieu, c'est le FBI
qui mène cette enquête, avec le support de la police judiciaire. C'est donc
l'agent Hooper qui va mener cette audition.
Castelli avait tourné les yeux vers Tom
Hooper, qui se leva soudainement pour se placer debout derrière le bureau. Il
n'avait pas le même costume que lors de sa venue impromptue dans la grotte, du
moins pas de la même teinte. Celui-là était légèrement bleuté, ce qui allait
bien avec sa chemise bleu ciel et sa cravate assortie. L'inspecteur Castelli
faisait pâle figure avec son pull en acrylique. Au moment où il allait ouvrir
la bouche, Hooper posa sur le bureau le dictaphone numérique qu'il avait
subrepticement sorti de sa poche en appuyant sur une touche qui laissait une
LED rouge allumée.
— Bonjour
Mademoiselle Voldoni. Je suis très heureux que vous ayez pu vous libérer pour
venir témoigner. Je vais enregistrer notre conversation, comme je le fais pour
tous les témoins. Cela facilite la transcription de ce qui se dit... Vous étiez
l'une des plus proches collaboratrices de Matthew Donnelly, n'est-ce pas ?
— Oui, on
peut dire ça. Nous travaillions ensemble, avec Peter Haynes et John Kisko, sur
une partie spécifique de l'expérience XENO1000.
— Depuis
quand connaissiez-vous Matthew Donnelly ?
— Je l'ai
rencontré pour la première fois il y a 3 ans, à l'institut de L'Aquila, quand
je travaillais ici pour une autre expérience. Lui était déjà sur XENO, c'était
XENO100, à l'époque...
— En
2012...
— C'est
ça. J'étais souvent au laboratoire à ce moment-là. A l'époque, j'étais
confrontée à de graves problèmes scientifiques qu'il fallait absolument
résoudre. Je me souviens, c'était au printemps... Matthew Donnelly était une
nouvelle recrue pour XENO100, il venait tout juste de les rejoindre et était
aussitôt venu au laboratoire pour plusieurs semaines d'affilée, ce que peu
d'américains en poste faisaient. Evidemment, ce n'est pas la même chose pour
les jeunes chercheurs en thèse ou en postdoc...
— Oui,
c'est sûr..., répondit évasivement Tom Hooper.
La
réponse de Hooper intrigua Cristina, comme si l'agent du FBI connaissait les
mœurs des chercheurs.
Tom
Hooper enchaîna en demandant à Cristina quelques détails sur l'activité de Matthew
avec le xénon.
— C'est
Mat qui a imaginé le nouveau purificateur isotopique pour laver complètement
notre xénon. Son principe est génial, on essaye de le faire marcher mais en ce
moment, on n'y arrive pas. Et là on aurait vraiment besoin de ses compétences,
expliqua la jeune chercheuse.
— Est-ce
que cela signifie que sa disparition cause du tort à l'avancement de la manip ?
demanda Hooper soudain très intéressé par ce qu'il venait d'entendre.
Alors que
Castelli ne suivait pas un traître mot de ce que se disaient Hooper et Cristina
dans un anglais trop fluide et semblait avoir la paupière un peu lourde,
Cristina répondit à Hooper qu'effectivement, la disparition de Matthew était
arrivée au pire moment.
***
Le petit
jeu des questions-réponses se poursuivait, avec parfois un début de discussion
digressive sur un sujet pourtant assez technique concernant l'expérience.
Hooper demanda si elle savait qui avait accès au système informatique du
laboratoire, plus précisément la base de données des entrées/sorties. Cristina
cherchait toujours comment introduire sa requête de participer plus activement
à l'enquête, et profita de la question pour se lancer :
— Non, je
ne sais pas, aujourd'hui je ne sais pas..., mais je pourrais probablement le
savoir...
Puis elle
laissa un long silence volontairement. Hooper fut naturellement intrigué par la
forme de cette réponse.
— Vous
pourriez le savoir ? renchérit Hooper avec subtilité, un léger sourire aux
lèvres
— Oui...
si vous voulez, je pourrais, je pense assez facilement, faire la liste de
toutes les personnes qui peuvent accéder à l'endroit où se trouve ce système.
En fait, j'en connais au moins un, l'informaticien du centre qui assure la
gestion du parc, mais étant sur place, je peux découvrir certaines choses
discrètement, en tout cas plus discrètement que vous, j'imagine...
—
Intéressant... Hooper réfléchissait en même temps qu'il parlait.
Hooper
resta alors pensif quelques secondes, puis se tourna vers l’inspecteur Castelli
qui était assis en retrait sur sa gauche. Ce qu’il vit le déconcerta. Carlo Castelli
avait les yeux fermés, la tête légèrement en arrière reposant sur le dossier du
fauteuil et la bouche entrouverte. On aurait pu le croire mort si le léger
mouvement de son buste ne trahissait sa respiration. Il dormait profondément.
Tom Hooper se retourna face à Cristina, la regarda droit dans les yeux, puis
fit un rictus en levant les sourcils avec un air désabusé. Cristina esquissa un
sourire gêné. Elle avait remarqué que Castelli s’était endormi depuis déjà une
bonne quinzaine de minutes après avoir lutté contre le sommeil au moins cinq
minutes. Sa tête avait fait des mouvements de sursaut après s’être lentement
affaissée à plusieurs reprises, et depuis qu’il avait fini par se pencher en
arrière, la nuque bien calée contre le dossier, il n’avait plus bougé.
Puisqu’il
était seul à pouvoir décider, Tom Hooper décida. Il dit à Cristina :
— OK… Je
vais vous demander de m’aider à identifier quelles sont les personnes qui
auraient pu accéder au système informatique. Il ne s’agit pas uniquement de
voir qui peut accéder physiquement aux ordinateurs, mais aussi qui, parmi
ceux-ci, ont des compétences en informatique à même d’apporter des
modifications dans le système…
— Est-ce
que cela signifie que vous avez découvert une malversation à ce niveau-là ?,
demanda Cristina, qui se réjouissait de la réponse positive de Hooper.
—
Effectivement... Bon, à vous, je peux le dire, mais je vous demanderais bien
sûr de ne pas révéler cette information, à personne ! Le système de gestion des
entrées/sorties par badges a été trafiqué deux jours avant le crime.
Hooper se
retint de préciser à Cristina que la différence du nombre d’entrées et de
sorties le 24 février laissait penser qu’un individu extérieur s’était introduit
ce jour-là dans le laboratoire.
— Vous
devrez être vraiment très discrète. C’est vraiment de la plus haute importance,
vous comprenez. Nous pensons qu’il existe un lien direct entre cette
modification apportée et le crime. Le logiciel a été modifié de telle manière à
ce que n’importe qui pouvait pénétrer dans le laboratoire sans que l’on puisse
savoir à quelle heure… Ce n’est probablement pas un hasard.
— Je vous
promets que je serai extrêmement discrète. Si je veux vous aider, c’est dans un
seul objectif : trouver l’assassin de Matthew et rien d’autre. Je ne ferai rien
qui puisse compromettre l’enquête.
— Très
bien, merci… Je vous laisserai mon numéro de portable, vous pourrez me joindre
à tout moment… Il y a un point sur lequel je voulais revenir…
Hooper
fut brusquement interrompu par une sorte de détonation qui provenait de
derrière lui. Il sursauta en tournant vivement la tête. C’était Castelli. Il
avait fait un mouvement sur son fauteuil et avait émis simultanément comme une
sorte de grognement rauque qui préfigurait une série de ronflements
gargantuesques. Cristina pensa immédiatement à un sanglier. L’inspecteur avait glissé en avant, et
semblait maintenant inéluctablement voué à finir par terre. Cela devenait presque
gênant.
Mais
Hooper se reprit, comme si de rien n’était, en élevant un peu plus la voix.
— Oui, je
voulais voir un détail avec vous, au sujet de Matthew Donnelly. Quelle était
son activité scientifique avant de rejoindre XENO100 ? Avant 2012.
— Avant
le xénon… répondit Cristina à voix basse.
Puis élevant la voix pour couvrir les ronflements de plus en plus
assourdissants :
— Avant
le xénon, Mat avait travaillé sur l’argon liquide, un autre gaz noble, inerte.
Je crois bien qu’il n’avait fait que ça depuis le début de sa carrière. Il faut
savoir que l’argon et le xénon sont deux gaz qui ont un peu les mêmes
problématiques, et aussi les mêmes avantages pour nous. L’argon est pollué
naturellement par un isotope radioactif, l’argon-39, qui est produit par
l’activation des rayons cosmiques. Mat était devenu le spécialiste aux
Etats-Unis de la purification de l’argon souterrain.
— L’argon
« souterrain» ? Qu’est-ce que ça veut dire ?
— C’est
la même chose pour l’argon et le xénon, on a aussi du xénon souterrain. Comme
ces deux gaz liquéfiés deviennent radioactifs par des réactions avec le
rayonnement cosmique, on cherche à minimiser ce phénomène en stockant de
grandes quantités de gaz à l’abri des rayonnements cosmiques. Le meilleur
endroit est par exemple ici dans la grotte, ou dans d’autres laboratoires
souterrains ou d’anciennes mines très profondes. Au Gran Sasso, on a
l’équivalent de 3300 mètres d’eau au-dessus de nous et le rayonnement cosmique
est réduit par un facteur un million… Du coup dès que le xénon ou l’argon sont
mis en bouteille, on les apporte très vite en profondeur pour réduire leur
activation. Mais il y a toujours quand-même des petites traces d’isotopes
radioactifs dans ces bouteilles, et Mat partait à la traque de ces dernières
traces pour les éliminer et obtenir des gaz ultra-purs.
— Est-ce
que les quantités de xénon « souterrain » disponibles dans le monde sont
suffisantes pour les différentes expériences qui en ont besoin ? »
Cristina
qui pensait à la vitesse des neutrinos, comprit violemment ce à quoi pensait
Hooper. Que peut-être Mat aurait pu être la victime d’une lutte pour l’accès au
xénon ultra-pur, une lutte entre scientifiques… Elle répondit, sans aucune
assurance, un « oui » presque inaudible.
Le
ronflement de Castelli s’était maintenant presque arrêté pour le plus grand
bonheur de Tom Hooper et de Cristina, mais au moment où ils commençaient à
s’entendre normalement sans avoir à user leurs cordes vocales, leurs oreilles
et leur nez furent assaillis par une déflagration nauséabonde en provenance de
l’inspecteur affalé sur son fauteuil. Un pet monstrueux qui dura au moins une
seconde venait d’envahir le bureau tout entier. C’était une infamie.
Tom et
Cristina regardèrent tous les deux la chose sur son fauteuil puis se
regardèrent. Hooper lança : « C’est pas du xénon ! »
Cristina
éclata brutalement d’un rire foudroyant; elle ne pouvait pas s’arrêter,
entrainant avec elle Tom Hooper, dans un fou-rire incontrôlable.
On ne
pouvait pas deviner ce qu’avait ingéré le vieil inspecteur mais on se doutait
de la richesse des mets grâce à la subtilité de la fragrance. Le méthane dégagé
agissait comme un gaz hilarant. Cristina était pivoine tandis que Hooper se
tenait la tête en essayant de répéter "c'est pas du xé...",
"c'est pas du xé...", "oooh, c'est pas du xénon...pffff".
Cristina en avait mal au ventre tellement elle était agitée de spasmes en
déployant son rire tellement communicatif.
Il fallait maintenant réagir contre l’asphyxie
— ou l’anoxie — qui se rapprochait dangereusement.
***
Ils
commençaient à peine à se calmer et à reprendre leur souffle, Hooper avait
ouvert la fenêtre qui ornait le côté du bureau.
Castelli
ne s'était pas réveillé, tout juste avait-il bougé pour se recaler
partiellement sur son fauteuil. Hooper s'était réinstallé au bureau alors que
Cristina pouffait encore en fixant les dossiers qui cachaient la surface
vieillie du bureau. Hooper évitait de la regarder pour ne pas sombrer à nouveau
dans un fou-rire. Il cherchait rapidement quelques notes qu’il avait prises
quand il vit son dictaphone en dessous d'une feuille. Il était toujours sur
"ON", bien sûr. Tom Hooper,
sans savoir trop pourquoi, dit soudain à Cristina en montrant du doigt
l'enregistreur : "J'ai la pr...la preuve!" Puis il s'étouffa à nouveau
d'un rire déflagratoire. Cristina répondit avec une voix bizarrement haut
perché : "... c'est pas du xénon !", puis repartit dans des spasmes
bruyants en se tordant. "Non, non, c'est trop..."
C'est à
ce moment précis que Castelli se redressa brutalement, mais il accompagna son
mouvement d'un nouveau pet puissant, plus proche de la trompette que du
sifflet. Les deux jeunes gens regardèrent en même temps le vieil inspecteur
puis redoublèrent de rire, Cristina se tapait littéralement les cuisses et
Hooper semblait crier de douleur avec la tête dans ses mains.
Castelli
ne comprenait pas ce qui se passait. La vue des deux rigolards le faisait
sourire sous son air incrédule. Quelques secondes passèrent puis un jeune
inspecteur entra dans le bureau, sans doute alerté par les rires qui
s'entendaient jusqu'au bout du couloir. Il demanda à Castelli ce qui se
passait, et quand il répondit qu'il ne se passait rien de spécial, seule
Cristina, qui avait compris le dialogue en italien se remit à rire
nerveusement, laissant Hooper quelque peu désemparé face au jeune inspecteur.
Mais très
vite elle lui fit signe de la main qu'il n'y avait rien de grave. Une fois le
jeune inspecteur ayant refermé la porte, Castelli demanda à Hooper dans son
anglais scolaire ce qui se passait dans ce bureau. Hooper expliqua tant bien
que mal que l'audition venait de se terminer et qu'ils avaient échangé quelques
petites blagues. Cristina se mordait encore la joue en entendant les excuses
farfelues de Tom Hooper. De quoi étaient capables les agents du FBI pour
conserver un minimum d'apparence face à des collègues étrangers... Il en était
apparemment différemment avec des témoins désireuses d'apporter leur aide à
l'enquête.
L'audition
prenait réellement fin, ils ne manqueraient pas de se recontacter de toute
façon, Cristina restant un témoin important car connaissant très bien la
victime. Elle devait rester à la disposition de la police. C'est ainsi que
l'agent Hooper pris congé de Cristina Voldoni en lui donnant sa carte
professionnelle en ajoutant qu'elle pouvait le contacter à tout moment si elle pensait
à quelque chose d'important qui pourrait être utile à l'enquête. Hooper avait
décidé de garder secrète leur entente sur l'aide informelle que Cristina
pourrait lui apporter. Même s'il n'avait pas eu le temps de lui dire
explicitement avant le réveil de l'inspecteur pétomane, Cristina l'avait
compris et elle ne fit pas la gaffe d'évoquer le sujet devant Castelli.
Une fois
Cristina sortie du bureau, Hooper se tourna vers l'inspecteur italien et lui dit
:
— J'ai vu
que vous vous étiez assoupi... vous avez raté une très intéressante audition...
Malheureusement, je ne pourrais pas vous la faire réécouter comme les précédentes,
j'ai oublié de brancher mon dictaphone, mais je vais me dépêcher de
retranscrire au propre les notes que j'ai prises et les détails dont je me
souviens avant de les oublier...
— Je suis
désolé... cela m'arrive parfois, répondit Carlo Castelli, visiblement confus.
— Ne vous
en faites pas, ça nous arrive à tous. Je comprends que ce n'est peut-être pas
très intéressant pour vous de seulement assister aux auditions sans participer
plus activement...
— Je fais
avec... Vous savez, Mr Hooper, durant mon petit somme, j'ai fait un rêve en
lien avec cette affaire...
— Vous
pouvez me raconter ? Ça m'intéresse... rétorqua aussitôt Hooper comme pour
changer de sujet.
— J'ai
rêvé qu'il y avait un motard dans le tunnel, qui était venu jusqu'au
laboratoire pour liquider le pauvre américain.
— Un
motard ?
— Oui, un
motard, avec un casque. Un casque jaune.
— Un
casque jaune ?
Hopper
répétait les mots de Castelli, comme pour bien les enregistrer, alors que son
dictaphone était toujours allumé dans la poche de sa veste.
— Oui, et
puis il est reparti comme il est venu après le crime, comme si il ne s'était
rien passé, tranquillement, en reprenant sa moto garée à l'entrée du
laboratoire.
— Et puis
?
— Et
puis, c'est tout! Je me suis réveillé...
— C'est
tout ? Il ressemblait à quoi ce motard ?
— Il
avait toujours un casque. Mais ce n'est qu'un rêve, hein. Il ne faut pas
chercher très loin. Peu importe à qui il pourrait ressembler, on rêve souvent
de gens que l'on connaît, donc ça pourrait être vous... Castelli se mit à
ricaner.
Hooper se
sentait soudain ridicule d'avoir interrogé Castelli sur la teneur d'un rêve.
Mais l'idée du motard lui semblait terriblement intéressante. Quoi de mieux
qu'une moto pour arriver discrètement au niveau de la grande porte du
laboratoire sans se faire remarquer, pour peu qu'il existe un petit
renfoncement propice à l'y cacher, et pour repartir ensuite très vite en dehors
du tunnel...
— Il
faudra envoyer une équipe aux abords de l'entrée du laboratoire pour vérifier
toutes les traces de véhicules qui sont passés par là. L'idée de la moto n'est
pas idiote. Comment serait reparti l'assassin ? Il n'y avait pas de voiture en
surplus, alors ? interrogea Hooper
— Un
complice...
— Ah oui.
Un complice. Bien sûr... Ou plusieurs.
Hooper
regardait par la fenêtre ouverte d'où l'air frais s'engouffrait. On entendait
des enfants qui jouaient dans la cour d'école située à côté, ils venaient de
sortir.
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